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Sud Languedoc Magazine N° 8 2022
M U S E E S D U S U D L A N G U E D O C
Amphoralis Témoin d’un Commerce Ancestral.
La justification des très nombreux fours de potiers dans toutes la province Narbonnaise
est l’intensité extrême du commerce à partir de Narbonne. Lorsque les Romains
s’établirent à Narbonne en 118 avant J.-C. pour fonder la colonie de l’Emporion
Narbonnais ( par la faiblesse de la représentation commerciale des colonies
« massaliètes » Marseille ) , ils se trouvèrent face à un réseau économique déjà
organisé et furent confrontés à des peuples ayant vécu plus d’un demi-siècle de
fréquentation commerciale et de contacts avec la culture italienne. Aussi l’implantation romaine dans
les territoires à l’ouest du Rhône se fit sans âpres luttes, ni destructions violentes et se produisit sous
le signe de la continuité. Cela permet de définir cette forme de développement comme une
acculturation obligée, non pas imposée, mais seulement contrainte par les circonstances dans toute
la Gaule Narbonnaise.
Le puissant vignoble de Narbonnaise fournissait, au Ier siècle
avant notre ère, une grande partie des vins qui partaient à
l’intérieur de la Gaule. Incapable de croître vers le Nord, le
vignoble méditerranéen manquait de volumes. La frontière des
Cévennes marquant une barrière à la fois climatique et
géographique infranchissable à cette époque.
On peut donc affirmer qu’à Bordeaux par exemple, on y buvait
les vins de Narbonne, bien avant que la région se mit à produire
son propre vin.
Tout se passe donc comme si Narbonne, colonie et capitale de la nouvelle province de Transalpine,
avait attiré et concentré les négociants italiens qui désormais, à partir de son emporion, commencent
à faire des affaires d’ampleur de plus en plus vaste, tant par l’étendue de l’horizon commercial que
par les quantités distribuées. Elle structure autour d’elle les lieux de débarquements et s’impose, à
la place des vieux sites indigènes de la région, comme lieu central pour animer la vie économique.
Ce sont donc ces mêmes commerçants italiens qui, en faisant de Narbonne leur base de départ,
exportèrent et diffusèrent avec leurs marchandises les traits de la culture italienne.
Mais la nouveauté effective de cet emporion par rapport au passé réside dans
le fait qu’il est parvenu à créer un espace économique terrestre propre : les
activités économiques ne sont plus liées uniquement au commerce, mais elles
concernent aussi la mise en valeur des ressources de son territoire. Ce territoire
s’étend bien au-delà du cadre rural correspondant à l’assiette de la colonie.
Cela implique donc que ses agents, qui sont des Italiens, et pas seulement des
négociants, viennent s’installer physiquement dans la région en transférant au
cœur même du milieu indigène les modes de vie italiens et les nouveaux
systèmes d’exploitation du sol. Le témoignage de Cicéron dans le Pro Quinctio
et le Pro Fonteio datés du début du Ier siècle avant J.-C. aide à comprendre son
nouveau rôle. Cicéron fait référence à la mainmise des Italiens sur les terres provinciales dans le but
d’implanter des entreprises agricoles et d’élevage. Dans la plaidoirie la plus ancienne, prononcée en
81 avant J.-C., il fait allusion aux activités d’un certain C. Quinctius qui disposait d’une riche
exploitation rurale en Gaule où il avait dû vraisemblablement résider.