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Sud Languedoc Magazine N° 8
A R T S D U S U D L A N G U E D O C
Molière, 400 Ans de lumière sur le Languedoc ?
Avant de signer des œuvres inoubliables, que l’on joue et étudie
encore de nos jours, le célèbre enfant de Pézenas a eu une première
vie. On ne l’appelait pas encore Molière de son nom de scène. Non,
il était connu (ou plutôt inconnu) sous son vrai patronyme :
Jean-Baptiste Poquelin. C’est d’ailleurs sous ce nom-là que l’auteur
de Tartuffe ou des Femmes savantes a séjourné pour la première
fois en terre d’Aude. Et autant dire : il était plutôt bien accompagné.
Passé par Narbonne, le Roi Louis XIII fait une halte à Sigean le 21 avril 1642 pour y passer la nuit.
Avec une escorte conséquente comme pour tout voyage royal qui se respecte. Au milieu de la cour
qui se presse autour de sa Majesté, se trouve un jeune homme « à l’œil vif et perçant » : le valet de
chambre de Louis XIII. Un certain Jean-Baptiste Poquelin.
Tandis que le Roi et ses officiers les plus proches logent dans la maison Ferrier, située dans la
grand’rue de Sigean, Jean-Baptiste Poquelin est hébergé dans une maison voisine que possède un
bourgeois qui répond au nom de Martin-Melchior Dufort. Deux mois plus tard, au retour de
Perpignan, Jean-Baptiste Poquelin dormira au même endroit.Quand il revient à Narbonne, à la fin
de l’année 1649, ce n’est plus dans la peau d’un valet-tapissier mais dans celle d’un directeur de
troupe de comédiens. La mue est faite. D’autant que le souverain n’est plus Louis XIII mais désormais
Louis XIV et ce depuis déjà six ans.
Même à l’époque, on ne vit pas d’amour et d’eau fraîche quand on est comédien ou qu’on se trouve
à la tête d’une troupe. Molière – on l’appelle désormais ainsi – s’est construit une notoriété mais il
reste tributaire du bon vouloir de ceux qui ont de l’argent. En 1656, à l’issue des États Généraux du
Languedoc, dans la région de Pézenas, le prince Armand de Bourbon Conti lui accorde une sorte de
prêt de 5000 livres pour trois mois de représentations. Une somme considérable pour Molière
comparée aux 7000 livres annuels accordés par Louis XIV à sa troupe. L’ennui, c’est que la somme
allouée par Conti n’est pas un don. En quête de mécènes, Molière peut compter sur une vieille
connaissance rencontrée quatorze ans plus tôt à Sigean. Melchior Dufort est admirateur de
l’auteur-acteur et il sait que ce dernier ne roule pas sur l’or.
Rendez-vous est pris à Narbonne le 3 mai 1656. En présence de M. de Cathelan, baron de Portel,
viguier et juge-royal de Narbonne, un arrangement est trouvé. Martin Melchior Dufort et un de ses
amis Joseph Cassaignes signent un accord stipulant qu’ils à leur compte l’assignation du prince de
Conti et ils fournissent la dite somme à Molière et à sa troupe qui a fait le déplacement sur les bords
de la Robine.
De Narbonne aux pieds de la Cité, il n’y a guère qu’une cinquantaine de kilomètres et Molière a plaisir
à retrouver Carcassonne où il a fait ses preuves en 1647 avant de se produire au début des années
50. Il n’a plus besoin des recommandations de du comte d’Aubijoux ou même du compte de Breteuil,
lieutenant du Roi, qui, neuf ans plus tôt, avait décrété que la troupe de Molière « était remplie de
fort honestes gens et de très bons artistes ».