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Sud Languedoc Magazine N° 8
A R T S D U S U D L A N G U E D O C
Molière, 400 Ans de lumière sur le Languedoc ?
Si sa période parisienne est la moins mal connue, elle est aussi la plus féconde en production
dramatique : sur les trente-trois pièces écrites par Molière, deux seulement : L'Étourdi ou les
Contretemps et Le Dépit Amoureux furent créées en province. Cette éclosion rapide, sur quelques
années, interroge.
Ne fut-elle pas préparée par les treize années de « nuits provinciales » ? Aucune découverte récente
n'apporte de nouveau jalon dans ces va-et-vient incessants que les chercheurs du siècle dernier se
sont plu à démêler, voire à embrouiller, au prix de controverses toujours passionnées, parfois poussées
a l’extrême.
Molière, Conti, le Languedoc, le rapprochement des trois termes, au fil d'un voyage, oscillant entre
le réel et l'imaginaire, peut prendre une dimension nouvelle. Depuis Emmanuel Raymond qui publiait
en 1858 une Histoire des pérégrinations de Molière dans le Languedoc, la connaissance historique
de ces treize années d'errance a certes progressé, moins toutefois que celle de la réalité d’une province
au milieu du XVII siècle.
Mais ces nouvelles données sont éparses. Il peut être
intéressant de les rassembler en un temps, un lieu, un récit.
Un éclairage neuf pourrait être alors apporté sur un
personnage enfin situé dans la réalité provinciale de son
temps. Établir une relation de cause à effet, la démarche a
séduit tous les biographes à la recherche des sources
d'inspiration. Ils n'ont vu le Languedoc que sous le prisme
déformant d'un champ de représentation subordonné au
théâtre. Pourquoi donc ne pas conserver à chacun des
acteurs, Molière et le Languedoc, son autonomie propre
dans une vie parallèle afin de donner au personnage et à
son œuvre un nouveau relief ?
Et si cette fois le Languedoc devenait acteur et théâtre ? Molière en serait alors le révélateur, et à
chacune de leurs étapes, le comédien et sa troupe découvriraient le visage multiforme de la réalité
languedocienne des années 1650.
Autant de croquis, de paysages, de personnages, d'aspects de la vie économique, sociale, politique
et culturelle que le voyageur aurait porté sur son carnet de route, comme avaient pu le faire Chapelle
et Bachaumont qui, à la même époque, découvraient cette province et en publiaient un Voyage.
Ces notes de voyage auraient pu être trouvées dans la fameuse malle de Molière, si elle avait existé
ou n'avait été irrémédiablement perdue... A cette réserve près que la perception que les hommes
avaient alors de leur temps et de leur espace ne saurait être confondue avec la nôtre.
L'anecdote rapportée par Georges Lenôtre dans Le Monde illustré du 3 décembre 1898 prend valeur
significative. Un paysan, conduisant une charrette attelée d'un âne, s'arrête rue de Richelieu, devant
la porte de la Bibliothèque Nationale. Il sollicite le directeur : « J'ai chez moi depuis des années et
des années une grosse malle de papiers très vieux, les papiers de Monsieur Molière : il y a des lettres,
des comptes, des pièces de comédie... Ma foi, comme ça m'encombre, plutôt que d'en allumer mon
feu, je viens les lui montrer et lui demander s'il m'en donnerait bien une pièce de vingt francs. »